Écrire des dialogues, aux éditions Écrire aujourd’hui.
Plus un roman se veut accessible et grand public, plus il fait usage de « dialogues » qui prennent parfois plus de 50% de la surface totale. Lors de ces échanges verbaux, l’auteur cesse de décrire lui-même la scène et laisse parler directement les personnages. Cela relance l’intérêt du lecteur et lui donne l’impression de se trouver au milieu d’un tournage de film. C’est donc un accès direct et plus vivant au déroulement de l’histoire au lieu d’un rapport en différé.
Mais encore faut-il savoir les écrire, ce qui est loin d’être facile, car ils peuvent très vite devenir artificiels, pompeux, inutilement grossiers, d’un ton déplacé… bref, inadéquat.
Même s’ils ne sont pas légion, les dialoguistes de génie sont capables de ciseler les répliques inoubliables au prix d’un travail rigoureux. Les dialogues sont bien plus difficiles à maîtriser que l’art descriptif et plus ils seront intelligemment travaillés, plus ils sembleront naturels, allant de soi… et géniaux.
Impossible d’imaginer un roman moderne qui n’en fasse pas un usage substantiel. Alors, comment apprendre leur art si délicat ?
Devenir expert es dialogues
À moins d’avoir un don inné pour cela, il faut travailler cette technique. Tout comme le dessinateur apprend d’abord à observer avant d’affiner son trait, le romancier doit apprendre à écouter pour restituer le juste ton.
Le livre « Écrire des dialogues » a pour mission de vous aider dans ce domaine bien précis. Vous vous demanderez peut-être comment on peut écrire un tome entier rien que sur ce sujet. La réponse tient en deux parties :
a) D’abord, l’ouvrage n’est pas très épais, en tout cas très loin des encyclopédies de milliers de pages. 156 pages de techniques pour s’exercer, ce n’est ni trop ni trop peu.
b) Ensuite, vous verrez par l’expérimentation que le sujet est bien plus vaste qu’on le pense de prime abord.
Cet ouvrage vous brosse d’abord un panorama théorique de la question pour ensuite aborder les aspects pratiques, chapitre par chapitre, ponctués par de nombreux exemples et exercices pratiques qu’il vous incite par ailleurs à expérimenter vous-même.
Il privilégie l’apprentissage de l’écoute, l’analyse, l’enregistrement. Il vous incitera notamment à écouter les conversations autour de vous, comportement un peu « voyeur » (désolé, je devrais dire « auditeur », mais ce mot n’a pas la même connotation). Épier les passants, les passagers du métro, les clients d’un café, bar, restaurant… se laisser bercer en « live » par des « brèves de comptoir » si authentiques.
L’auteur n’hésite pas à vous conseiller d’enregistrer ces conversations à l’insu des autres et de réécouter celles-ci par la suite, afin de prendre des notes à votre aise, vous permettant d’analyser, de décortiquer cette syntaxe populaire.
Dans la phase d’écriture, le dialogue doit user d’accessoires, notamment pour décrire l’attitude de l’un ou l’autre interlocuteur, ou encore pour préciser qui parle sans abuser des éternels « dit-il » et « dit-elle ».
On y aborde aussi la question du « parler vrai ». Faut-il écrire avec des fautes sous prétexte que le personnage parle très mal ? Faut-il reproduire les accents typiques des différentes régions du monde… selon que l’actant est un paysan bourru d’une campagne reculée ou un avocat-ingénieur-médecin bardé de diplômes ? Se lancer dans des dialogues en patois peut donner un résultat ridicule… et devenir totalement incompréhensible pour le lecteur.
L’ouvrage fait donc un excellent travail d’analyse de la problématique de A à Z, définitions, techniques d’écoute, d’analyse, transcription, peaufinage, ciselage… Mais…
Apprendre à écouter… au travers des fausses notes
Hélas ! Ce guide souffre d’un problème de taille. La traduction depuis l’américain est une vraie calamité. Il vous sera parfois nécessaire de relire trois fois le même passage pour comprendre le propos. Nombreux sont les contresens, erreurs de traductions, usages de « faux amis » et même de phrases grammaticalement incorrectes.
Il m’est arrivé de procéder à la double traduction (traduire littéralement — mot pour mot — vers l’anglais, puis retraduire vers le français littérairement pour redonner un sens à ce texte sens dessus dessous).
Il est vraiment dommage qu’un livre de conseils d’écriture en français soit parfois rédigé en « petit chinois ». 😉
Néanmoins, à condition de faire l’effort de lecture et de traduction français-français, si vous parvenez à extraire l’essence de l’ouvrage dont la version originale n’est pas loin d’être irréprochable, il s’agit là d’un excellent livre de recettes pour cuisiner des dialogues savoureux.
Titre : Écrire des dialogues
Auteur : Chiarella Tom
Éditions : Ecrire aujourd’hui, 2000
ISBN : 2-909725-15-4
Format : 148 x 210 mm, 156 pages
Je serais évidemment enchanté de lire vos réactions concernant ces dialogues, savoir s’ils vous posent problème ou si, au contraire, vous les maniez tel un artisan du verbe. Et je prends toutes vos questions sur le sujet… J’y répondrai… Dialoguons 😉
Excellente présentation, dans la pure tradition Cloësienne. Le dialogue est une bonne solution pour couper la monotonie, pour rendre les personnages et de ce fait la lecture plus vivante. Quoi de plus naturel que de laisser les acteurs s’exprimer ? Et pourquoi pas leur laisser la liberté d’user parfois de leur dialecte, du moment qu’ils se comprennent entre eux. On ne va pas priver de parole quelqu’un sous le seul prétexte qu’il bégait. Je ne sais pas conjuguer le mot bégayer, pas grave pour quelqu’un qui n’a jamais suivi des cours de français.
Faute d’être en possession de cet ouvrage, je me rabats sur les Dialogues de Plutarque, que je lis ou plutôt que je relis.
Pourquoi ?
Lisez plutôt :
« Dans le petit nombre de livres que je lis quelquefois encore, Plutarque est celui qui m’attache et me profite le plus.
Ce fut la première lecture de mon enfance, ce sera la dernière de ma vieillesse : c’est presque le seul auteur que je n’ai jamais lu sans en tirer quelques profits » Jean-Jacques Rousseau
Créer des dialogues naturels est encore relativement aisé… reproduire des dialectes (à moins que ce soit le sien, bien sûr) est une mission infiniment plus périlleuse. On entre vite dans la caricature et le dialogue prend alors une coloration fausse, quand elle n’est pas carrément ridicule.
À user avec modération et seulement si l’on est sûr de maîtriser.
Bonjour, vos 7 secrets m’ont interpellé pour ne pas dire m’ont fait sourire agréablement.
J’ai déjà écrit 2 livres sur ma vie mais, je me suis bloqué tout seul, probablement dû au manque d’intérêt des lecteurs. Je ne rentrai pas dans le moule des éditeurs. Avez-vous une suggestion? Car j’aimerai continuer mais… il y a toujours un mais.
Pareillement, dans vos explications le « pamphlet pour exprimer son désarroi face à la société » m’interpelle aussi. Comment le construire ?
Merci d’avance pour vos suggestions. Blade
Bonjour Blade (hum, ne serais-tu pas chasseur de vampires ? 😉 )
Déjà deux livres ? Bravo ! Aller jusqu’au bout de son projet est déjà remarquable. Le succès ne se rencontre pas toujours du premier coup. C’est même plutôt rare. Cela ne doit jamais pousser à abandonner.
Le « pamphlet pour exprimer son désarroi face à la société » est vraiment très porteur, car il peut fédérer pas mal de lecteurs confrontés à ce même mal. Le juste équilibre doit se trouver entre le ton trop « politiquement correct » et la rage exprimée trop brutalement.
On peut en parler, j’ai des projets à ce sujet. 🙂
– J’ai l’impression que les dialogues me sont assez faciles lorsque j’écris. Plus que la narration mais ce livre m’intéresse quand même.
– Tu as raison car tes dialogues ne sont pas meilleurs que ta narration, désolé de te l’apprendre 🙂
Bonjour Marie,
Tu dialogues toute seule ? 😀
Belle illustration d’un dialogue pour ce commentaire. Oui, le livre, au-delà de sa traduction un peu chaotique, peut apprendre quelques notions utiles.
À bientôt