Voilà une question que l’on me pose très souvent, et la réponse aux ramifications nombreuses et variées prendrait sans doute une forme située entre le bonzaï tortueux et le baobab géant. Dans ce dédale d’embranchements, difficile de s’y retrouver sans progresser à la machette. Nous laisserons donc les innombrables tiges et nous concentrerons sur les grosses branches porteuses afin de nous représenter la silhouette générale de notre problème arborescent.
Publier quoi, au juste ?
La toute première question à se poser, c’est « Quel roman publier ? » La question peut paraître idiote, mais vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui m’ont posé la question en titre et qui, répondent à celle-ci « J’aimerais en écrire un » ou, dans le meilleur des cas « J’ai commencé un roman, mais… »
Inutile de dire que les 99 % d’entre eux ne le commenceront ou ne le finiront jamais.
Je suis probablement partisan du moindre effort, mais se préoccuper de ce qu’on fera de son oeuvre alors même qu’on ne l’écrira peut-être jamais, c’est à mon sens une incroyable perte de temps et d’énergie qu’il serait plus judicieux d’utiliser pour se mettre à écrire.
Mais qu’ai-je donc fait ?
La seconde question à se poser, partant donc du principe que le roman existe, concerne la qualité de ce dernier. Vous avez écrit un roman et vous le trouvez formidable ? C’est bien la moindre des choses. Si l’auteur considère lui-même que ce qu’il a écrit est de la daube, ce n’est même pas la peine de se fatiguer non plus. (À ce stade, tous les lecteurs de ce blog vont se dire que je suis un parfait fainéant) 😉
Mais si la satisfaction de l’auteur quant à son oeuvre est une condition nécessaire, elle n’est cependant pas suffisante. On aime une oeuvre quand elle fait résonner quelque chose en soi. Que l’auteur soit en phase avec sa création est assez naturel, mais s’il est le seul au monde capable de l’apprécier, on ne va pas non plus se dépenser… (Je sais, fainéant, on l’a déjà dit.)
Avez-vous déjà fait lire votre récit, ou au moins une partie, à d’autres personnes ? D’autres personnes pas trop proches, évidemment. La plupart des mamans trouvent les oeuvres de leurs enfants absolument for-mi-da-bles… Mais ce sont des mamans.
Lire votre prose à votre femme (ou votre mari, ou conjoint(e), ou cohabitant(e) – biffez les mentions inutiles) ne vous donnera jamais le commentaire sincère que vous attendez, mais plutôt une réaction à « la dernière remarque faite sur la saveur du souper » ou à « la frustration du dernier embouteillage affronté pour rentrer à la maison se reposer au lieu de subir un interrogatoire sur cette stupide envolée lyrique dont on n’a rien à f… »
L’idéal est d’obtenir un avis de personnes relativement étrangères au cercle familial. Pas totalement inconnues, un copain, un collègue peut déjà faire l’affaire, à condition de ne pas avoir de contentieux avec lui au risque de lui donner le bâton pour vous battre.
Se soumettre à la lecture de parfaits inconnus
Un exemple concret : pour être lu par de parfaits inconnus, j’ai créé, il y a quelques années, un site destiné à publier mes textes : http://www.babelweb.be. Ne voulant pas créer un monument à ma gloire (excusez du peu) j’en ai fait un site littéraire pour tous, lieu de mise en pâture de textes amateurs, soumis à la critique objective d’internautes lambda. Et c’est très grisant de recevoir régulièrement des commentaires, remarquables de pertinence sur ce que vous avez rédigé. Pas de règlement de compte, pas de cirage de pompes, rien que des avis spontanés. Parfois des critiques, mais elles font avancer.
L’autre solution consiste à participer à des ateliers d’écriture, soit en ligne, soit en vrai. C’est un peu différent puisque vous vous retrouvez entre écrivants, ce qui donne des avis légèrement plus experts, mais vous soumet parfois aussi à une certaine compétition, ce qui peut être assez motivant.
Si tu me lis, t’es mort !
À ce stade, j’ai parfois entendu une curieuse objection de grands timides, balbutiant des choses du style : « Non, je ne veux pas être lu en public, ni en privé, je ne veux pas être présents lors de la lecture, mais j’interdis qu’on me lise quand je ne suis pas là, et puis j’écris seulement parce que j’ai envie d’écrire, pas forcément pour être lu, rendez-moi ma feuille ou je crie “au voleur”… »
Là encore, on ne va pas se fatiguer. Si le but ultime est de NE PAS être lu, il semble bien inutile de vouloir être publié. Dans ce cas, il reste à ranger les oeuvres dans un tiroir qui fait office de lecteur idéal puisqu’il prend tout ce qu’on lui donne sans jamais faire la moindre critique. Voilà qui est très rassurant 🙂
Désirez-vous toujours être publié ?
Tout ce qui précède peut sembler un brin caricatural, et pourtant vous n’imaginez pas à quel point c’est le reflet d’une réalité pudiquement camouflée. L’auteur veut s’exprimer, mais s’il a déjà pu vaincre certains démons en affrontant la page blanche finalement inerte et peu combative, il lui reste l’enfer entier des lecteurs qui pourraient lui décocher des flèches empoisonnées de critiques. Ça fait mal, mais il faut affronter ces dangers.
On entend très souvent la rengaine : « Se faire publier, c’est le parcours du combattant ». Mais on oublie trop facilement que, bien avant ce combat-là, il aura fallu gagner les autres batailles nombreuses à la conquête de la création de son oeuvre. Si par malheur on ne sort pas victorieux de celles-là, il est inutile de s’engager dans le dernier combat pour le drapeau de la victoire finale : le livre !
Le but de cet article est de mettre en lumière les questions à se poser dans un certain ordre, sans quoi le puzzle ne pourra jamais se compléter. S’il manque la moindre pièce, tout s’écroule.
Suis-je vraiment motivé pour publier mon oeuvre ?
Avant de vouloir publier un livre, il faut le courage de se regarder dans une glace et de se poser sincèrement les 7 questions qui suivent :
1) Ai-je vraiment envie d’écrire ce livre ?
2) Si oui, suis-je prêt à toutes les batailles pour y arriver ?
3) Suis-je disposé à être lu par d’autres, à subir leurs critiques éventuelles ?
4) Suis-je capable de me laisser porter par les critiques pour me remettre en question, me corriger, améliorer ma prose ?
5) Ai-je le courage de remettre cent fois l’ouvrage sur le métier ?
6) Suis-je fier de ce que je fais, assez pour supporter que certains puissent ne pas aimer ?
7) Suis-je prêt à tout pour arriver au bout de mon rêve ?
Répondre favorablement à ces questions est LE passage obligé pour passer à l’étape suivante : choisir un mode d’édition, ce qui fera partie d’un prochain article.
Dans l’intervalle, posez-vous les bonnes questions et livrez vos réponses dans les commentaires, car vous verrez à quel point cela peut libérer de voir que nous sommes nombreux à partager les mêmes freins.
À très bientôt
Thierry
Bonjour,
J’aime bien l’idée de votre blog de façon générale, et la pointe d’humour que j’y ressens.
Et effctivement, il faut être motivé et ne pas avoir peur de montrer aux autres nos créations. Nous ne pouvons pas plaire à tout le monde… et je dirai c’est tant mieux. Musso et Levy, tout le monde n’apprécie pas à ce que je sache (moi je suis fan pour mes heures de détente). Donc ne pas avoir peur… sinon alors il faut régler le problème à un autre niveau.
J’ai aprris avec la vie, qu’à partir du moment où j’ai rendu service à une personne, avec une phrase, un article, un livre, alors c’est bon… j’ai fait l’essentiel.
J’ai aussi mon parcours dans l’écriture avec la publication par mes propres soins d’un livre et un magazine que j’ai créés. Aujoud’hui je sers de relais dans la communauté francophone à l’ecrivain canadien Jeff Brown auquel je consacre un blog entier http://www.aimaenergy.com. Je viens de poster, une interview de lui, l’homme qui écrit sur les murs. C’est vrai il écrit sur ses murs !Vous pouvez la télécharger sur le site…. peut-être que cela vous inspirera aussi.
Bonne continuation
Emmanuelle
Bonjour
Et bien – quelle article encourageant pour un écrivain en herbe !
Même si l’article est caricatural – il y a un gros fond de vérité dans votre texte.
Il faut être très motivé pour être publier.
Avoir la foi dans son oeuvre et ses écrits.
Malgré cette humour au second degré – je perçois votre motivation sans faille.
Pour ma part – je n’ai pas cette flamme – j’écris sans contrainte – juste pour me faire plaisir et faire plaisir à mes amis.
Je publie mes écrits (surtout des poèmes) en autoédition. Donc pas de contraintes et surtout pas de pression financière.
C’est un plaisir avant tous – sans ambition aucune – avec de petit tirage suivant mes envies – de 20 à 50 exemplaires.
Voici un lien pour les auteurs qui ne veulent plus se prendre la tête !!!
http://autres-talents.fr/autoedition/Conseils/Comment-publier-mon-livre–5,53.html
Paulo
Bonjour, et merci pour ce commentaire circonstancié.
Le présent article n’abordait que la première partie du processus d’écriture : la motivation.
L’auto-édition, la publication en ligne, l’édition à compte d’auteur, etc., tout cela sera abordé dans un prochain article.
Mais je laisse bien sûr votre lien vers ce site d’auto-édition qui semble bien fait et sérieux. Je ferai sans doute un petit annuaire des sites d’édition et je ne manquerai pas de l’y mentionner.
Pour votre motivation, c’est fort bien. Que l’on vise la place du prochain Marc Levy, que l’on écrive pour éviter de suivre une psychanalyse, pour tuer virtuellement ses ennemis ou avouer secrètement sa flamme à une inconnue, peu importe. Il n’y a pas de bonne raison d’écrire. Le principal est surtout de ne pas se mentir, de savoir intimement pourquoi on le fait et surtout d’y prendre plaisir.