Auteur responsable de son oeuvre

L’auteur responsable s’imagine souvent que son travail s’arrête lorsque l’éditeur a accepté de publier son oeuvre. Rien n’est plus faux. Déjà, il devra sans doute apporter de nombreuses corrections à son texte qu’il croyait pourtant parfait. Mais prétendre que son intervention n’est plus nécessaire, utile ou souhaitée lors de la mise en page et de la fabrication du livre peut révéler des surprises.

Éditeurs, toujours responsables, OK. Mais l'auteur ? Irresponsable ?

Éditeurs, toujours responsables, OK. Mais l’auteur ? Irresponsable ?

Le sujet de cet article m’est venu naturellement avec un livre dont la lecture était fluide, agréable et sans écueils jusqu’à l’arrivée de cette page particulière. J’ai calé. Je me suis d’abord demandé ce qui me posait un problème, car le texte était dans la continuité de ce qui l’avait précédé des pages durant. Ce n’était pas le sujet ni le style… Plus que le fond, c’était bien la forme du texte imprimé qui accrochait mon regard, brisant ma vitesse de lecture tel un nid de poule imprévu sur une route de velours.

Quel est donc le responsable ?

Après quelques années de pratique en PAO professionnelle (Publication Assistée par Ordinateur), les veuves, orphelins, les césures intempestives, les espaces interlettres, interlignes ou intermots inappropriés, les cheminées et autres approches défectueuses sont des taches qui finissent par vous sauter au visage sans crier gare.

La mise en forme du dernier paragraphe de la page de droite vers la fin du livre était vraiment ratée. À un tel point qu’en l’éloignant pour en avoir une vision globale, sans les détails, même un néophyte se rendrait compte des espaces intermots disproportionnés. En plissant les yeux, tout le texte prend un aspect gris uniforme, sauf l’uniforme gris du dernier bloc, troué de blancs disgracieux comme s’il était criblé de balles.

Uniforme gris à trous blancs troublants comme criblé de balles. Uniforme gris à trous blancs troublants, comme criblé de balles.

Qu’est-il donc passé par la tête du maquettiste pour procéder de telle manière ? Car il y a toujours une bonne raison, on ne commet pas ce genre de crime sans mobile. Souvent, on joue sur les espaces pour corriger autre chose, par exemple pour supprimer des césures en trop grand nombre : un petit espace et, hop, ni vu ni connu, la syllabe isolée passe à la ligne suivante et reforme un mot complet, déclenchant souvent de meilleures césures à la chaîne.

Césure : responsable, mais pas… « coupable »

Mais ici, c’est précisément l’inverse, car l’écartement exagéré entre les mots a eu, en plus, pour effet pervers de provoquer 4 césures dans un paragraphe de 6 lignes. Un vrai sacrilège ! Trop c’est trop. Il me faut comprendre. Je me suis alors demandé comment le texte se présenterait sans ce malheureux artifice… et j’ai compris.

Espaces trop grands, césures en surnombre Espaces trop grands, césures en surnombre

 

Avec un espacement normal, plus aucune césure sur la première ligne (le mot religion resterait entier), et la ligne suivante, raccourcie, appellerait un mot de plus… enfin, une syllabe. Le problème, c’est que ce mot est « culturel » et que placer une césure après la première syllabe donnerait… « cul ». On peut imaginer la gêne du metteur en page devant ce cas de conscience, d’autant qu’à la fin de la troisième ligne, le mot « ridicule » ne serait plus coupé. Deux phrases finissant par « cul » dans un paragraphe de 6 lignes parlant de religion et de traditions, voilà qui aurait fait mauvais genre. Inacceptable !   😀

La situation est en fait assez cocasse. 🙂

Vous pensez peut-être que tout ceci est cul-cul la praline. Et puis, comment agir autrement, sans friser le… ridicule ?

Lorsque je me trouve dans une pareille situation en mettant en page mes textes, je me permets évidemment de le modifier. Il est facile de changer une tournure de phrase pour raccourcir, allonger, éviter un mot malheureux. Mais un metteur en page n’a que très rarement cette liberté. Il peut ajuster le texte, jouer sur l’approche, guère plus, mais modifier le phrasé ? Hors de question.

Responsable de A à Z, c’est l’ABC pour l’Homme de lettres.

Donc, même en phase de mise en page, soyez disponible ! Collaborez avec l’éditeur, le metteur en page. Si un problème du genre se présente, adaptez votre texte en conséquence. C’est votre oeuvre, votre pensée mise sur papier. Vous en êtes donc responsable comme lorsque vous déposez votre enfant à la crèche et qu’un événement vous impose de prendre une décision.

Évidemment, tout dépendra des contacts que vous avez avec votre éditeur et il n’est pas certain que tous vous laisseront encore mettre votre grain de sel à ce stade avancé de la production.

Mais au moins, proposez-le afin d’éviter ce genre de situation, certes pas dramatique et sans doute assez rare, mais faisant tache dans ce petit bijou que vous avez tant désiré et que vous rêviez parfait.

Quant à vous, que vous soyez auteur ou non, vous est-il déjà arrivé d’être gêné dans la lecture d’un livre présentant un problème technique d’impression ou de mise en page ? Et s’il s’agissait de votre oeuvre, vous estimez-vous responsable jusqu’à la dernière étape du processus de fabrication ?

  1. Bien entendu, la qualité du contenu c’est à dire sa capacité à susciter l’intérêt – la passion – du lecteur, l’emporte sur le reste.

    Mais ‘homme est ainsi fait qu’il remarque en premier le défaut, le « truc » qui coince, donc la mise en page qui déraille un peu.

    En ce sens elle est gênante.

    Et surtout, qui voudrait que son cher bébé soit bancal ?

Répondre à Jean-Luc (de Moralotop) ¬
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